Les vignes saignent
Seules les vignes, dernier roman de Lolita Sene, montre à quel point le métier de vigneron peut être difficile, voire insupportable, notamment quand la jalousie s’en mêle. Le dernier roman de Lolita Sene, Seules les vignes, aurait dû s’appeler Les Bleus de la vigne ; c’eût pu être un titre excellent tant il correspond bien, à […] L’article Les vignes saignent est apparu en premier sur Causeur.
Seules les vignes, dernier roman de Lolita Sene, montre à quel point le métier de vigneron peut être difficile, voire insupportable, notamment quand la jalousie s’en mêle.
Le dernier roman de Lolita Sene, Seules les vignes, aurait dû s’appeler Les Bleus de la vigne ; c’eût pu être un titre excellent tant il correspond bien, à double… titre, à ce texte percutant et parfois âcre comme un fond de cuve. Les Bleus, ce sont ces jeunes vignerons, deux couples, Nathalie et Arnaud et leurs amis, le jeune et son épouse Arielle ; ils ont tout plaqué, leur vie d’avant, leurs boulots, pour cultiver la vigne quelque part dans le Sud-Est de la France.
Arnaud : deux enfants en bas âge et des encours de crédit ; ses proches lui demandent comment il va faire. N’était-il pas plus tranquille dans la fonction publique ? Car, ce boulot est dur, très dur, même quand le vin est bon. Le temps est capricieux comme une ex-pin-up ménopausée ; un été, il fait chaud, très chaud ; celui qui suit n’est pas chaud mais torride, tropical. Puis, il se met à pleuvoir des cordes ; des cordes, oui, elles donnent même envie au jeune de se pendre… Les insectes rappliquent, le mildiou… Arrive la grêle qui ronge tout. Ajoutez à cela, les banques, Cruellas ventripotentes, qui menacent de leurs crocs dorés quand les vendanges n’ont pas été bonnes.
Méchanceté
Ce n’est pas tout ; les vignerons et les viticulteurs se surveillent, se jalousent. Les vieux du terroir se fichent de la grappe des jeunes qui font ce qu’ils peuvent, en particulier quand ils respectent les règles sanitaires. Pendant ce temps, le vénérable Pompon et son puant tracteur déversent des saloperies sur les ceps et sur la terre. Désherbage total ; les vignobles changent de couleur et les nez des gamins saignent.
Jalousie et méchanceté, donc : « Et toi, le jeune, comment tu vas t’y prendre ? Et ils éclatent de rire, parce qu’au fond personne ne se supporte, chacun espère que l’autre sombre, jaloux de son voisin, que ce soit de ses terres, ses propriétés, son dernier tracteur hors de prix, sa manière de travailler. Alors le jeune se redresse dans son pull vert militaire, respire profondément, pour ne pas s’énerver, mais ça monte, ça monte, ça siffle dans ses oreilles à la manière d’une soupape, un autre vigneron ajoute en rigolant : en fait, toi, tu es un peu notre boussole, si toi tu t’en sors, alors nous tous, là, on doit s’en sortir ! » Sympa, non ?
Un beau texte, vrai, puissant, si sincère et terrible qu’on en viendrait presque à picoler de l’eau.
Seules les vignes, Lolita Sene ; Le Cherche Midi ; 114 p.
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