Inscriptions post-bac : Parcoursup, l’orientation par algorithmes ?
Alors que s’ouvre la session 2025 de Parcoursup, retour sur quelques-unes des interrogations que soulève cette procédure – du rôle des algorithmes au principe de la sélection dans le supérieur.
À partir du 15 janvier 2025, les lycéens peuvent enregistrer leurs vœux d’orientation post-bac sur Parcoursup, la plate-forme nationale d’accès à l’enseignement supérieur qui a soulevé un certain nombre de critiques et d’interrogations lors de ses dernières sessions. Que nous dit la recherche sur son fonctionnement ?
C’est l’application Parcoursup qui gère depuis 2018 les vœux d’inscription des lycéens vers la majorité des formations de l’enseignement supérieur français. Cette plate-forme centralisée a pour but d’uniformiser et de simplifier la procédure d’orientation post-bac en réunissant toutes les demandes, avec des échéances standardisées.
Face à la massification de l’enseignement supérieur, une gestion coordonnée s’est imposée pour absorber les flux croissants de candidats. Il s’agit d’éviter les lourdeurs administratives qui seraient liées à une démultiplication des procédures et d’offrir à chacun une visibilité homogène sur l’offre de formation nationale.
Par rapport à son prédécesseur Admission Post-bac, Parcoursup a modifié légèrement les règles du jeu, d’une part en n’imposant plus aux élèves de hiérarchiser leurs vœux par ordre de préférence dès le mois de janvier et, d’autre part, en obligeant chaque formation à classer les élèves, y compris l’université.
Alors que s’ouvre du 15 janvier au 13 mars la session 2025 des inscriptions sur Parcoursup, retour sur quelques-unes des interrogations que soulève cette procédure, du rôle des algorithmes au principe de la sélection dans le supérieur.
Au vu des précédentes sessions, peut-on dire que le système d’affectations de Parcoursup fonctionne ?
Cela dépend de ce que l’on entend par « fonctionne », et cela dépend aussi des indicateurs sur lesquels on s’appuie. D’un point de vue technique et gestionnaire, la plate-forme attribue des places à une majorité d’élèves, mais elle en laisse un nombre non négligeable sur le carreau : plus de 24 000 candidats ont quitté Parcoursup sans recevoir la moindre proposition d’admission en 2024.
On sait que d’après un sondage CSA, 78 % des candidats déclarent être « satisfaits » des réponses reçues, mais on sait également que 83 % des candidats de 2024 jugent la procédure stressante, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes et que confortent des travaux quantitatifs, comme ceux de l’Observatoire de la vie étudiante. D’autres enquêtes par entretiens, comme celles d’Annabelle Allouch et Delphine Espagno-Abadie dans Contester Parcoursup (éd. Presses de Sciences Po) montrent un sentiment d’injustice parfois très difficile à vivre pour les élèves.
L’attente est également plus longue que sur Admissions Post-bac, même si la procédure s’améliore sur ce point en 2025. Les résultats de ma thèse sur l’épreuve et la gestion émotionnelle de l’orientation ont souligné que la lenteur de la procédure la rend inefficace, car elle pousse les candidats à des choix précipités qui aboutissent à des demandes de réorientation.
On peut dire que Parcoursup remplit une fonction administrative essentielle, mais il est difficile de dire que cela « fonctionne », car ça peut être très violent pour les élèves et leurs familles. On note d’ailleurs que les améliorations proposées par le ministère depuis sept ans reviennent à progressivement rapprocher Parcoursup de ce qu’était Admission Post-Bac, avec notamment un retour progressif vers la hiérarchisation des vœux.
Avec Parcoursup, confie-t-on l’avenir des lycéens à des algorithmes ?
Oui et non. Parcoursup est un ensemble d’algorithmes et d’interventions humaines. C’est un modèle bien connu nommé Gale-Shapley, conçu pour créer des appariements stables dans le sens où aucune paire étudiant-formation ne préférerait mutuellement être associée différemment au résultat. C’est ce que l’on appelle l’algorithme national de Parcoursup. Il est simple, et public.
Il y a aussi ce que l’on appelle les « algorithmes locaux », qui sont les pondérations de l’outil d’aide à la décision propres à chacune des 24 000 formations qui doivent remettre chacune un classement des candidats à l’application. Ce sont bien elles qui évaluent les candidatures, mais elles sont nombreuses à reposer sur une aide informatique dont les commissions d’examen des vœux auraient bien du mal à se priver tant le volume de dossiers est parfois élevé, et le temps imparti restreint.
On confie donc l’avenir des lycéens à des commissions constituées d’enseignants, qui peuvent le confier à leur tour à des algorithmes, ce qui priorise forcément le poids des notes sur celui des lettres de motivation. Certaines ne le font pas, d’autres se reposent entièrement dessus, et la transparence sur la part informatisée de l’analyse des candidatures n’est pas toujours au rendez-vous.
Pourquoi tant de stress avec Parcoursup ?
A la pression de devoir faire des choix décisifs pour l’avenir s’ajoute le stress lié au fonctionnement de la plate-forme même.
D’abord, les élèves sont sans cesse renvoyés à l’enjeu d’obtenir un diplôme du supérieur, dans un pays où l’emprise du diplôme sur les trajectoires professionnelles est très forte. Parcoursup oblige à être stratège, à anticiper, à ne pas rater les échéances, à se connaître et à se vendre : c’est la quintessence de la dimension compétitive de l’école française. Les jeunes y sont confrontés à des décisions cruciales et aux influences des parents, des enseignants qui sont des obstacles ou des ressources dans cette épreuve.
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La procédure est stressante également parce qu’elle est opaque. Les délibérations restent secrètes et les verdicts sont parfois difficiles et illisibles. Pire, ils peuvent altérer l’estime de soi des jeunes qui doivent capitaliser sur des compétences qui ne se limitent pas au résultats scolaires, mais s’étendent à leurs goûts, leurs pratiques sportives, culturelles, etc. C’est un processus qui renforce à la fois l’intériorisation de la réussite et de l’échec.
Parcoursup instaure-t-il une sélection généralisée dans le supérieur ?
La sélection dans le supérieur n’est pas nouvelle, mais Parcoursup l’a explicitée et généralisée. Sous le modèle Admission Post-Bac, il n’y avait pas de sélection en licence, il suffisait d’avoir le baccalauréat pour s’y inscrire, à quelques (rares) exceptions près où un tirage au sort avait parfois lieu dans les filières les plus tendues. C’est ce qui était très critiqué et qui a poussé à la réforme visant à mettre en place la sélection à l’université.
La fonction de Parcoursup est d’organiser le tri des élèves, c’est une procédure de sélection. Et en l’absence d’investissements en places dans l’enseignement supérieur, il n’y a pas d’autre choix que de sélectionner : s’il y a plus de demandes que de places, peu importe les critères sur lesquels l’on se base et peu importe la procédure, il y aura des élèves acceptés et d’autres, écartés.
Alban Mizzi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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