Innover en formation est-il vraiment possible ?

Chroniques d’un Directeur Pédagogique – Épisode 3 Cet article s’inscrit dans le cadre des chroniques d’un Directeur pédagogique. Il s’agit ici d’un point de vue personnel concernant l’innovation pédagogique de manière générale, et non d’une liste à la Prévert de toutes les nouveautés dans le champ pédagogico-technologique. Subjectivité assumée. Innover. C’est l’injonction du moment pour […] L’article Innover en formation est-il vraiment possible ? est apparu en premier sur Digiformag.

Jan 14, 2025 - 18:05
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Innover en formation est-il vraiment possible ?

Chroniques d’un Directeur Pédagogique – Épisode 3

Cet article s’inscrit dans le cadre des chroniques d’un Directeur pédagogique. Il s’agit ici d’un point de vue personnel concernant l’innovation pédagogique de manière générale, et non d’une liste à la Prévert de toutes les nouveautés dans le champ pédagogico-technologique. Subjectivité assumée.

Innover. C’est l’injonction du moment pour les entreprises. Il ne s’agit plus simplement d’être bon, de délivrer ou d’être efficace. Non, il faut se différencier. Se distinguer de la masse de ses concurrents. Être disruptif (même si, entre nous, ce mot me fait toujours un peu sourire).
Bien entendu, la formation n’échappe pas à la règle.

Car l’idée même d’innovation en formation éveille à la fois l’enthousiasme et le fantasme. Ces dernières années, les avancées technologiques ont fait naître de grands discours (parfois idéalistes, mais également souvent intéressés) évoquant une rupture dans la manière même dont nous envisageons l’apprentissage. Pourtant, si l’on prend du recul, force est de constater que l’essentiel des pratiques dites « innovantes » repose sur des principes déjà anciens.

L’illusion de l’innovation pédagogique

De nombreuses pratiques, popularisées ces dernières années, prétendent révolutionner notre rapport à la pédagogie : classes inversées, apprentissage adaptatif, intelligence artificielle appliquée à l’enseignement, ou encore réalité virtuelle. Ces approches semblent modernes sur le papier. Pourtant, leurs principes sous-jacents s’inscrivent dans une tradition pédagogique qui ne date pas d’hier.

L’exemple de la classe inversée est significatif. L’idée de départ se veut sortir du cadre  : déplacer l’acquisition des connaissances hors du temps de classe pour consacrer ce dernier à des activités interactives. Or, dès le XVIIIe siècle, Johann Heinrich Pestalozzi insistaient déjà sur l’importance de l’activité pratique et de la responsabilisation des apprenants.

De même, les outils numériques qui promettent de personnaliser les parcours d’apprentissage ne sont qu’une extension des travaux de Maria Montessori ou Célestin Freinet, qui valorisaient déjà une pédagogie individualisée et active. L’apport des nouvelles technologies réside surtout dans la facilité avec laquelle elles permettent de changer d’échelle et modifient notre rapport au temps.

Rien de nouveau depuis des siècles

Les principes fondamentaux de la pédagogie ont traversé les époques : l’importance de l’interactivité, l’apprentissage par l’erreur, la répétition ou encore la mise en pratique. Certaines idées étaient déjà présentes chez Socrate, qui utilisait la maïeutique pour guider ses disciples dans une réflexion critique. Plus tard, Comenius (XVIIe siècle) soulignait l’importance de rendre l’enseignement attractif et adapté à l’âge des apprenants.

Bien sûr, des nouveaux mediums ont émergé : du livre qui a progressivement démocratisé l’accès au savoir à la tablette tactile qui s’est émancipée des limites physiques du support. Mais les fondamentaux n’ont pas changé d’un pouce. Ce qui évolue, ce sont davantage les moyens techniques et les conditions sociales de l’apprentissage. On est par exemple passé d’une éducation réservée à une élite et personnalisée à une massification de l’enseignement au cours du XIXe siècle en France. Difficile d’ignorer le changement d’approche qui en a découlé.

Des évolutions avant tout technologiques

Au cours des dernières années, la notion d’innovation a été portée par toute une grappe de technologies qui arrivent petit à petit à maturité : outils de visio-conférences augmentés, blockchain, réalité virtuelle, réalité augmentée, et bien sûr l’incontournable IA. Si elles ne créent pas des miracles, certaines applications sont assez stupéfiantes et ont un impact réel :

  • Un futur chirurgien peut s’entraîner à opérer à partir d’un casque de réalité virtuelle et d’un écosystème reconstitué
  • Un formateur peut animer une classe virtuelle, créer plusieurs groupes de travail, capitaliser les rendus sur des outils collaboratifs…
  • L’adaptive learning piloté par l’IA permet une personnalisation en temps réel du parcours (même si nous n’en sommes qu’aux prémices)

En résumé, la véritable innovation ne réside pas dans la création de nouveaux principes pédagogiques, mais dans sa mise en œuvre efficace grâce aux avancées technologiques et aux découvertes en sciences cognitives. Pour le dire plus clairement : pas de réelle innovation pédagogique, mais une innovation technologique au service de la pédagogie.

L’innovation, un certain état d’esprit

Au-delà de ces précisions sémantiques, à l’échelle d’une organisation, l’innovation est un concept relatif. Cela peut simplement signifier être en rupture avec ce qu’on a toujours fait. Digitaliser son offre de formation est, pour certains OF, une révolution en tant que telle, alors qu’à l’échelle du marché cela fait déjà un peu daté.

L’innovation peut aussi être liée à un contexte, un secteur ou un public particulier. Réinventer toutes ses modalités pédagogiques et créer un parcours hybride pour des personnes en situation de handicap par exemple.

Enfin, soulignons que l’innovation n’est pas nécessairement coûteuse en ressources ou en moyens financiers. L’innovation frugale consiste par exemple à répondre à un besoin de la manière la plus efficace possible à l’aide de solutions simples en utilisant un minimum de moyens. Imaginons que nous cherchions à nous développer sur le marché B2B. Au lieu de proposer aux RH un parcours de chef de projet monolithique, on peut concevoir notre formation comme un ensemble de briques qui vont permettre de faire des parcours sur mesure en fonction du niveau d’expertise des collaborateurs.

En clair, innover reste un concept à géométrie variable. On pourrait débattre des heures sur ce sujet. D’autres le ferait bien mieux que moi. L’important reste à mon sens de respecter ces fondamentaux : écouter son public cible, être capable de remettre en question ses pratiques et expérimenter, car sans mise en action, pas d’innovation ! 

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