L’obsession climatique
La question climatique a envahi tous les débats de société. Dans son livre Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était (2024), la climatologue Judith Curry soutient que cette obsession n’est pas raisonnable et qu’elle est même nuisible. Samedi 14 décembre, le cyclone Chido s’abat sur Mayotte, ravage l’île et cause de très nombreuses victimes […]
La question climatique a envahi tous les débats de société. Dans son livre Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était (2024), la climatologue Judith Curry soutient que cette obsession n’est pas raisonnable et qu’elle est même nuisible.
Samedi 14 décembre, le cyclone Chido s’abat sur Mayotte, ravage l’île et cause de très nombreuses victimes humaines. Aussitôt, les experts et militants en tout genre se disputent pour savoir si le réchauffement climatique a une part de responsabilité dans cet événement tragique. La question n’a pourtant pas vraiment de sens, car il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de rattacher un unique événement à un phénomène global. Même si on arrivait à montrer que, en moyenne, la force des cyclones augmente avec le réchauffement climatique, il ne serait en effet pas évident de savoir si la force de celui-ci y trouverait son explication.
En revanche, une question fondamentale est de se demander comment les populations humaines auraient pu être mieux protégées. À cette question, la climatologue Judith Curry apporte, dans son livre Le Changement climatique n’est plus ce qu’il était (L’Artilleur, 2024) une réponse claire et à contre-courant des discours dominants. En substance, elle dit qu’il faudrait moins chercher à diminuer le taux de CO2 dans l’atmosphère que la pauvreté dans le monde, qui est la cause principale de la vulnérabilité face aux aléas climatiques.
Les biais du Giec
En tant que climatologue, ayant suivi de près les travaux du Giec, Curry ne remet pas en cause les études scientifiques sur l’évolution du climat. Mais, dans son livre, elle montre tout à la fois que la focalisation sur le taux de CO2 relève d’un biais méthodologique lié au fonctionnement même du Giec, que ces études comportent encore une grande part d’incertitude et que ce n’est pas en faisant de la diminution des émissions de CO2 une priorité que l’on protège au mieux les populations humaines.
Il faut bien comprendre que les recherches actuelles sur le climat se font dans un cadre schéma de pensée prédéfini. En 1992, la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique identifiait en effet ce dernier à la part de la variabilité du climat due aux activités humaines. Implicitement, la part due à la variabilité naturelle eut donc tendance à sortir des discussions. En outre, cette même convention partait du principe que le réchauffement était dangereux, sans considérer ses éventuels aspects bénéfiques, et visait à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Tacitement, il en découlait que l’élimination des énergies fossiles était le chemin à suivre en priorité. Or, fait remarquer Curry, il n’est pas du tout évident que la situation climatique nous est moins favorable de nos jours qu’elle ne l’était avant l’ère industrielle. Elle suggère même que rares seraient les gens « qui choisiraient [le climat], préindustriel, du 18e siècle » (p. 37).
Il y a bien sûr la possibilité que le changement climatique augmente la fréquence et l’intensité des inondations, des sécheresses, des feux de forêt et des ouragans. Mais, selon Curry, « il n’y a guère de preuves que le réchauffement récent ait aggravé de tels événements ». Elle soutient même que la « première moitié du 20e siècle a connu davantage de phénomènes météorologiques extrêmes que la seconde, durant laquelle le réchauffement causé par les activités humaines est censé être le principal responsable du changement climatique observé » (p. 41). Il y a certes une perception que les événements météorologiques extrêmes sont plus fréquents et plus graves. Mais elle estime que c’est dû « à l’augmentation de la population et [à] la concentration de la richesse dans les régions côtières et d’autres régions susceptibles de désastres » (p. 41). De toute façon, quand bien même ces événements augmenteraient, elle fait remarquer que le nombre de leurs victimes a diminué au cours du siècle, notamment grâce au développement économique.
Développement ou baisse des émissions
Cela étant dit, elle reconnaît que le réchauffement climatique pourrait devenir dangereux. Elle rappelle toutefois que les scénarios extrêmes du Giec sont, selon ses propres dires, peu probables. Quant à ceux qui sont le sont davantage, ils ne conduisent pas à une fin du monde, comme certains militants le prétendent. Ils peuvent bien sûr entraîner des problèmes, plus ou moins graves. Mais Curry soutient que, face à ces problèmes, il est légitime de discuter des recommandations politiques du Giec selon lesquelles l’objectif prioritaire est de réduire les émissions de CO2.
Elle explique en effet qu’un organisme scientifique ayant pour objectif de trouver un consensus n’a pas vraiment de sens au regard de l’activité scientifique, dans la mesure où les thèses minoritaires ont souvent un rôle crucial à jouer pour faire progresser la science. Or, en étant construit sur la recherche du consensus, cet organisme en vient, immanquablement, à minimiser les études divergentes et les incertitudes. En outre, ayant été mis sur pied à partir de l’idée que les émissions de CO2 sont néfastes, il a nécessairement un biais en faveur de leur réduction. Enfin, Curry rappelle que, si notre objectif est l’amélioration de la condition de vie des humains, il ne faudrait pas promouvoir une réduction du CO2 avant d’avoir vérifié que les conséquences économiques et sociales de cette mesure ne sont pas pires que les conséquences du réchauffement climatique.
Sur ce point, elle montre que, à ce jour, les impacts les plus dramatiques du changement climatique sont surtout les symptômes d’un sous-développement. Or les mesures de réduction du CO2 ont tendance à nuire au développement des régions qui en auraient le plus besoin. Il vaudrait donc mieux aider les populations de ces régions à s’enrichir, à avoir accès à de l’énergie bon marché et donc à mieux résister aux aléas climatiques qu’à baisser les émissions de CO2. Surtout que, comme Curry le fait remarquer, la réduction des émissions « n’aidera personne au cours des prochaines décennies, alors que les [mesures d’adaptations] soulagent les gens à court terme » (p. 85).
Enfin, pour bien faire comprendre que cette obsession pour la réduction du CO2 n’est pas raisonnable, Curry imagine la situation suivante : « Si le climat mondial se réchauffait au rythme actuel uniquement en raison de causes naturelles, l’humanité se sentirait-elle obligée de ralentir le réchauffement futur (peut-être par la capture directe du CO2 atmosphérique ou l’ingénierie du rayonnement solaire) ? C’est peu probable ; un tel contrôle du climat serait, à juste titre, considéré comme futile et/ou dangereux. Les hommes s’adapteraient, comme ils l’ont toujours fait, au changement climatique » (p. 458).
L’ouvrage suggère que, dans les débats sur le climat, c’est surtout le fait que ce soient les humains qui le modifient qui est jugé problématique. Autrement dit, on peut se demander si ce n’est pas l’image désuète d’un paradis perdu, souillé par l’activité humaine, qui nourrit le militantisme climatique et, parfois aussi, le travail des climatologues.
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